L’œuvre d’Ari Erom apparaît comme une femme en contre-jour, elle semble impassiblement joyeuse.
On saisit, inflexion après inflexion, les micro-déplacements de sa présence nébuleuse, forme très vivante qui se détache devant une surface de fond transpercée de fulgurances lumineuses colorées : dégradés et nuances de bleu, de gris, de parme et de jaune… et puis soudain l’abstraction s’apprivoise sous les traits.
Tout commence chez Ari Erom avec l’irrépressible besoin de peindre. Peindre comme on » respire », dans la jouissance et le désir vorace du geste qui transgresse le pouvoir d’expression de la peinture opposé aux tromperies illusionnistes. Avec obstination, Ari Erom ne dit qu’une chose : « je peins ».
Ce qui l’entoure, le quotidien, ses contemporains, les paysages et les villes comme les espaces imaginaires, l’histoire et les mythes revisités (la “Pinocchia” sa sculpture en bronze). Il s’enrichit de l’imprévu, des hasards bienheureux de la création qu’il détourne, accueille avant de les rejoindre.
Ari Erom attends tout cela de la peinture, car il part du postulat d’un art fondé sur la liberté créatrice. Il raconte avec l’image, convaincu que le seul plaisir rétinien s’épuise dans le monde figuré qui passe en elle et en ressort, enrichie des forces de son style. Remarquez ces bouillonnements de plaisir comme une sève invisible bien caché , au creux du sourire. Ils sont toujours présents, irritants dans les interstices indécis.
L’œuvre issue de l’imagination d’Ari Erom , en sculpture comme en peinture, nous transporte dans un monde qui ouvre sur un pas de côté gourmand pour nous plonger dans un univers aux teintes surréalistes et burlesques. Un monde plus vaste, plus haut, plus prométhéen qu’un simple reflet de la réalité , un monde au sein duquel il est question de joie, de sensualité, d’élégance, qui nous échappe autant qu’il nous magnétise.
En effet, le langage d’Ari Erom s’exprime tout entier depuis le début qu'il transmue, dans le secret de son atelier, dessin et couleurs, matières et lumière, en un charnel enchantement.
Ari Erom dépasse les cadres de la virtuosité pour composer une performance picturale et sculpturale d’une incroyable force. C’est tout son être qu’il engage devant nous. Toute sa présence d’homme. On suit son pinceau qui s’affirme, qui éclate, qui faiblit subitement, qui crie encore, avant de revenir à une forme de langueur, de mélancolie joyeuse par glissades, par saccades, parfois par ruptures.
Voyez la glaise de ses sculptures qui vibre, qui barre l’espace, qui s’élance tel une plongeuse pour traverser la lumiere dans des mouvements répétés et des positions qui ne se figent jamais. Ari Erom donne à voir et à ressentir, derrière les images, derrière les saisissements que fait naître toute son œuvre, un art du visible et du réenchantement du monde.
On appelle cela l’irrévérence, l’insolence, l’effronterie, l’audace, le non-conformisme, un électron qui fait bouger les lignes, qui découpe des lucarnes dans les murs jusqu'à ce que les fenêtres soient suffisamment larges pour l’esprit. L’impertinence n’aura jamais été aussi pertinente.
D’ailleurs... d’autres nomment aussi cela la liberté. Il y a quelque chose de l’ordre de l’énigme chez cet artiste des silences , de la solitude et du recueillement aussi, qui témoigne de la capacité de l'artiste à restituer toute la palette des sentiments humains. En somme, nous sommes en présence d’un artiste violemment optimiste autant par le caractère de ses personnages, leurs attitudes, le tendre et l’espiègle de leur regard que par sa couleur où domine une tonalité de la nature humaine dans laquelle éclatent, avec d'étranges sonorités, des rouges vifs, des jaunes clairs.
La large précision de son dessin, son habileté de coloriste sont au service d'un espoir qui se retrouve dans toutes ses toiles. Ce tourbillon d'oripeaux, de lumières et de couleurs dansantes exalte, en partie double, la sensualité effrénée et la mélancolie d'un monde où la Femme représente la survie. Par elle, animant la sarabande de masques dérisoires, la postérité d'autres fous est assurée. Celle des hommes pressés.
